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Mademoiselle chante le blues

Mademoiselle chante le blues
Soyez pas trop jalouses
Mademoiselle boit du rouge
Mademoiselle chante le blues
Elle a du gospel dans la voix et elle y croit

"Mademoiselle chante le blues", Patricia Kaas (1987)

Toujours au pays de l'oncle Charley, je vous propose de quitter la ferveur des stades de baseball pour l'ambiance plus feutrée des clubs de jazz, descendants modernes des bars à blues et autres barrel houses ou juke joints d'antan. Parfait pour retrouver l'équilibre suggéré par le 8 de trèfle, ce mois-ci, et tirer parti de notre force intérieure pour un meilleur alignement entre notre réalité matérielle et notre esprit. Loin d'être un appel à la passivité, cette carte nous encourage à agir afin de nous libérer de nos vieux schémas et saisir de nouvelles opportunités. Sortir de notre zone de confort pour mieux embrasser l'inconnu.

Les bleus de l'âme

Avant le jazz, avant le rock, avant la soul… il y avait le blues.

Le terme est issu de l’abréviation de l'expression idiomatique anglaise « blue devils » (diables bleus) dont l'équivalent français serait « idées noires ».

Le blues, à l'origine, c’est une voix solitaire, souvent douloureuse, sans artifices, liée à la mémoire de l’esclavage, à la survie de l’âme dans un monde qui tente de l’éteindre. La musique des déracinés, née dans les champs de coton du sud des États-Unis, chantée par ceux que l’on n’écoutait pas. Un cri contenu dans une note. L'écho d'une plainte transformée en onde rythmique. Une manière d'exorciser sa douleur pour ne pas s’y noyer.

À la fin du XIXe siècle, cette musique a migré des plantations vers les villes — Memphis, Chicago, La Nouvelle-Orléans — et c’est là qu’elle a donné naissance au jazz, plus libre, plus instrumental, plus technique, plus urbain.

Puis viendront la soul, le rock, le funk, le rap… Comme l'écrit l'écrivain-poète afro-américain James Weldon Johnson, « c'est du blues que dérive la caractéristique la plus distincte de tout ce qui peut être appelé musique américaine ».

Joueurs de blues

Mais au départ, il n’y avait ni micros, ni paillettes, ni studios, ni producteurs. Juste une voix nue, une guitare et une douleur qu’on ne voulait pas perdre, mais transmuter. Le blues, ce n’est pas chanter, c’est faire vibrer cette souffrance pour qu'elle trouve une issue. Une faille. Une fêlure dans la boucle.

Mecs de la Mecque, gars d'la Garonne
Souffleur de verre, souffle dans le saxophone
Belle marquise. Mesrine belle baronne
Mille et mille et mille et mille millions d'personnes
Joueurs de blues
On est des joueurs de blues

"Joueurs de Blues", Michel Jonasz (1981)

Avant d’être diffusée, la musique était offerte. Avant d’être vendue, elle était donnée. Et ça, la matrice ne pouvait pas le tolérer longtemps. Elle a donc pris le blues… et l’a dilué. En soul. En rock. Et l'a « starifié ».

Et aujourd’hui, on chante sa peine pour être vu, pour vendre, pour briller. Mais plus pour s’aligner.

La scène est devenue l’autel. Le micro, le totem. Et la douleur mise en musique, une offrande sacrificielle sonore au système.

Ce qui nous amène à la question que peu d'artistes n'oseront jamais se poser : chanter ses blessures, est-ce une libération ou bien une autre manière d'alimenter le système en loosh − cette fameuse énergie issue des émotions humaines dont la récolte est au cœur même de toute cette simulation mortifère ?

Tout le monde souffre à un moment ou un autre, avec plus ou moins d'intensité, mais la souffrance est invisible et le système est si bien conçu que l'on embrasse cette douleur comme un gage de valeur et de promesse d'un mieux à venir. Un sacrifice consenti pour des miettes trop chères payées.

Les Blues Sisters

Certaines voix étaient trop vraies pour ne pas fissurer la matrice. 

Bessie Smith, Billie Holiday, Nina Simone… Plus tard, dans une veine plus rock ou soul, Janis Joplin, Amy Winehouse, Aretha Franklin.

S'il n'y avait pas eu le blues, je me serais sans doute envoyée sous terre.

Janis Joplin

Des femmes habitées. Portées. Vidées. Elles n’étaient pas là pour divertir, mais pour canaliser quelque chose de plus grand qu’elles — et que le système ne pouvait laisser intact.

La voix, quand elle n’est pas reliée à l’Esprit, devient un canal de vidange. Et le public, envoûté, applaudit… sans savoir qu'il assiste à un rituel de vampirisation bilatérale qui siphonne tout le monde — sauf la matrice, qui en sort toujours repue.

Alors que reliée à l'Esprit, la voix porte en elle un fragment du logos — cette fréquence d'origine qui structure les mondes. Ce n'est donc pas tant la voix que la matrice craint mais le verbe vivant. Le logos. Et pour mieux le masquer, elle en a rempli le monde de faux-semblants sonores. Des échos calibrés pour que lorsque le Verbe véritable surgit, plus personne ne sache l'entendre.

Aujourd'hui, on confond trop souvent le frisson, l'émotion et la vibration. Mais le logos ne caresse pas. Il fend. Il résonne. Il n'endort pas l'âme — il l'appelle.

Les maux bleus

Ce ne sont donc pas que des artistes. Ce sont des antennes. Des amplificateurs. Et quand la scène devient le seul exutoire, le trop-plein finit toujours par tout faire sauter.

Cet air mélancolique, ce refrain obsédant
Ressemble aux douces complaintes d'antan.
Et voici le passage qui envoûte mon cœur :
Je me déchaîne quand j'entends à nouveau
Ce chant plein d'amour qu'est le blues de Memphis.

"Memphis Blues", W.C. Handy (1914)

À partir de là, la matrice n’a plus qu’à organiser le rituel. On fabrique des « stars », on crée des « fans ». On bâtit des arènes sonores, des temples de la performance. Et on appelle ça « partager l’émotion ».

Mais ce n’est plus une offrande. C’est une dévotion inversée.

C’est ici qu’intervient ce commandement bien connu de l'Ancien Testament, souvent cité mais rarement compris : « Tu ne te feras point d'image taillée, ni de représentation quelconque… » (Exode 20:4). 

Ou cet autre issu de la Torah : « Vous ne vous tournerez point vers les idoles… » (Lévitique 19:4).

Il s’agit en réalité de décrets vibratoires du Démiurge qui n'interdit pas d'adorer mais de le faire en dehors de sa matrice. Car tant que l'adoration passe par son système, l'énergie lui revient toujours. 

Les idoles ne sont pas des personnes mais des vecteurs d'éloignement de l'Esprit, des structures de détournement.

Ainsi, chaque fois que l'on remet son souffle à un autre, que l'on pleure sur scène ou que l'on crie dans la fosse ou les gradins, on signe une cession vibratoire. On alimente un circuit qui nous désaxe toujours un peu plus, nous donnant l'impression temporaire de nous élever avant de nous plonger dans un état de manque.

Je ne sais malheureusement pas chanter le blues comme auparavant. C'est la vérité de cette musique qui me manque, ce qui tend à prouver qu'on ne devrait jamais perdre son héritage. 

James Brown

Au départ, chanter le blues était peut-être un moyen de transmuter la souffrance induite, rendant ainsi le loosh inexploitable.

Aujourd'hui, à quelques exceptions près qu'on ne verra jamais glorifiées au panthéon des étoiles filantes de l'astral, c'est devenu un moyen de mettre le silence sous Auto-Tune afin que plus personne ne puisse entendre ce qui pourrait potentiellement actionner l'interrupteur de conscience.

Et si Mademoiselle chante le blues, c'est peut-être parce qu'elle en avait marre de louer et qu'elle voulait redevenir propriétaire.

© La Pensine Mutine. Tous droits réservés. Reproduction interdite.

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Jours de gloire

J'avais un ami, c'était un grand joueur de baseball.
Quand on était au lycée,
Il pouvait te lancer une de ces balles rapides
À te faire passer pour un con.

"Glory Days", Bruce Springsteen (1982)

Empreinte carbone oblige, je reste au pays de l'oncle Charley (feu mon grand-oncle), mon colt et mon chapeau de cowgirl troqués contre une batte et une casquette de baseball et hop, me voilà sur le marbre, fin prête à tenter un home run. Un sacré défi, je vous l'accorde, mais c'est justement ce que suggère le 7 de carreau, ce mois-ci — qui n'est d'ailleurs pas sans rappeler le terrain en losange et les sept défenseurs (en sus du lanceur et du receveur) de l'équipe adverse. Une carte qui encourage surtout à prendre du recul et regarder au-delà des apparences. Parfois, ce qui semble être un problème est, en réalité, une chance déguisée. Et si c’était l’occasion de faire un saut quantique ?

Les As de base

Présent dans le paysage américain depuis près de deux siècles, le baseball est plus qu'un simple sport : c'est une institution profondément ancrée dans la culture et l'histoire du pays. C'est même le passe-temps favori des Américains, une tradition transmise de génération en génération. Bien que, depuis les années 60, le football (américain) ait largement pris l'ascendant pour le titre symbolique de sport national.

Pour ma part, je vous avouerais que mon expérience se limite à la lecture de La Petite Fille qui aimait Tom Gordon de Stephen King, où une gamine égarée dans les bois survit à toutes les terreurs qui l'envahissent en écoutant des retransmissions de matchs de baseball sur son walkman (ancêtre du MP3). Ou bien à cette scène culte du film Twilight, sur fond de "Supermassive Blackhole" de Muse, dans laquelle les vampires se livrent à une partie de baseball en plein orage.

Un deuxième coup de tonnerre ébranla le ciel. Esmé s’arrêta. Visiblement, nous étions parvenues au bout de leur terrain de jeu. Les autres paraissaient avoir formé leurs équipes. Edward était positionné très loin, sur le champ gauche, Carlisle se trouvait entre la première et la deuxième base, et Alice s’était approprié la balle, à un endroit qui devait tenir lieu de monticule du lanceur. Emmett brandissait une batte en aluminium qui sifflait presque imperceptiblement dans l’air. J’attendais qu’il eût rejoint le marbre quand je réalisai qu’il y était déjà, bien plus loin du lanceur que les règles traditionnelles ne le stipulent. Jasper se tenait à plusieurs mètres derrière lui, jouant le receveur pour l’équipe adverse. Bien sûr, nul n’avait de gants.
— Très bien, lança Esmé d’une voix claire que même Edward devait percevoir. En jeu !
Alice se redressa, immobile. Tenant la balle à deux mains, à hauteur de sa taille, elle semblait préférer la ruse au rentre-dedans intimidant. Soudain, tel un cobra qui frappe, son bras droit jaillit, et la balle alla frapper la main de Jasper.
— C’est un strike, ça ? chuchotai-je à Esmé.
— Quand le batteur n’arrive pas à frapper, oui.

Fascination, Stephenie Meyer (2005)

Du coup, je suis allée creuser un peu pour tenter d'en comprendre les rudiments, nettement plus compliqués que ceux de ce que les Américains appellent soccer (football chez nous). Si déjà vous êtes perdus avec les règles du foot, attendez de voir celles du baseball !

Le jeu des quatre coins

Deux équipes de neuf joueurs s’affrontent. L’une attaque (elle envoie un de ses joueurs frapper), l’autre défend (elle lance la balle et tente d’éliminer les batteurs).

Le lanceur (défenseur) envoie une balle. Le batteur (attaquant) essaie de l'intercepter en la frappant avec une batte. 

S’il réussit, il court vers la première base, puis les suivantes, espérant revenir à son point de départ — appelé le marbre — pour marquer un point. Pendant ce temps, l’équipe en défense tente de récupérer la balle et de le faire éliminer en la lançant à une base avant lui ou en le touchant avec.

Les batteurs se relaient un par un, dans un ordre fixe. Mais dès que trois batteurs successifs sont éliminés, c’est au tour de l’équipe des défenseurs d’attaquer. Les rôles sont alors inversés.

Chaque joueur conserve son poste : le lanceur reste lanceur, le receveur reste receveur. Mais tous passent à la batte, à tour de rôle, quand leur équipe est en phase d’attaque.

Le baseball est 90 % mental. L'autre moitié est physique.

Yogi Berra, ancien joueur de l'équipe des Yankees

Le duel entre le lanceur et le batteur est un moment clé de chaque match, où stratégie, habileté et psychologie se rencontrent. La conception du monticule sur lequel est positionné le premier joue également un rôle crucial dans ce face-à-face, influençant le déroulement du jeu et offrant des moments de tension inoubliables aux spectateurs.

Le lanceur est la clé de voûte de toute équipe de baseball de haut niveau. C’est sa capacité à surprendre et éliminer les batteurs adverses qui permettra à son équipe de triompher. Le lanceur doit analyser chaque frappeur, choisir quels lancers utiliser en fonctions des qualités et défauts de son adversaire.

La tactique du tic-tac

Un match se joue en neuf manches, chacune composée de deux phases : une où une équipe attaque, une où elle défend. Si les équipes sont à égalité à la fin (on compte le nombre de points marqués et non le nombre de manches remportées), on continue avec des manches supplémentaires jusqu’à ce que l’une prenne l’avantage.

Le baseball n’est pas un sport au chronomètre. Il avance au rythme des manches, dans une logique de cycle répété. Chaque équipe joue, attend, reprend. Encore et encore. Il n’y a pas de « temps officiel », juste des tours à compléter. Et parfois, ça n’en finit plus : certaines rencontres durent plus de quatre heures. Au cricket, ancêtre britannique du baseball, les matchs peuvent même s’étendre sur plusieurs jours. Comme une liturgie du temps suspendu.

Mais tout cela a un coût. Les lanceurs, véritables maîtres du tempo, subissent une pression physique extrême. Le bras, l’épaule, le souffle. Il leur faut parfois plusieurs jours de récupération après un seul match. Le joueur s’épuise, mais la boucle, elle, continue. 

Jeux de rôle pas drôles

Là-haut, parmi les nuages, où les aigles règnent en maîtres,
Joe a défoncé cette balle à l'en faire geindre et gémir.
Arrivant au trot, ses camarades tous s'esclaffent :
Joe DiMaggio a encore frappé.

"Joe DiMaggio Done it Again", Billy Bragg (1999) 

Le terrain s’appelle « le diamant » (ou losange), mais ce n'est qu'un cube matriciel en 2D, vu d'un certain angle, qu’on parcourt de pilier en pilier (base), toujours dans le sens contraire aux aiguilles d'une montre. Même quand on réussit son circuit (home run), on revient au point de départ, au marbre. En anglais, on dit « back to square one ». On a l'impression d'avancer, mais on est juste en train de valider ton tour de cage. 

Et pendant ce temps, la batte frappe, et le terrain use. La batte, c’est l’outil qu’on brandit. Symbole de puissance, de frappe, de décision. Mais à bien y regarder, elle a surtout été conçue pour frapper dans le cadre, pas pour en sortir. Elle rappelle le bâton utilisé pour les piñatas que l’on cogne à l’aveugle dans l’espoir de libérer des bonbons. Et dans les théâtres de Guignol, c’est toujours le même « méchant » qui prend les coups de matraque.

D'un tour à l'autre, les rôles s'inversent : un jour on lance, un jour on frappe. Toujours sur le même terrain matriciel. Terre battue. Scénarios rebattus. Panem et circenses. Du pain et des jeux. Une autre version des cases de l'échiquier. Toujours et encore, la Matrice altère, recycle, recombine... mais jamais ne crée. Elle a besoin de nous pour ça.

Pour parodier Téléphone, je dirais qu'on joue sa vie comme on joue au baseball. On gagne, on perd, mais toujours on espère pouvoir remporter une petite manche. Parfois, on se retrouve du côté du manche et on doit le jeter après la cognée. D'autres fois, on perd des manches et on y laisse sa chemise. On peut même finir manchot. Oups !

Bâts et débats

Les révolutions, c'est quand les battes de base-ball et les clubs de golf changent de main. Les dates exactes et les litres de sang sont des querelles d'historiens.

Anonyme

Dans le monde du sport comme dans celui du Démiurge, il y a cette notion fondamentale de frappe qui revient en boucle  : on bat la balle, on bat le pavé, on bat des records. On tape du pied, on frappe des mains, on bat la mesure… de la démesure.

On donne et reçoit beaucoup de coups aussi : coup de gueule, coup de foudre, coup de colère, coup de sonnette, coup de minuit, d'un coup, pour le coup, tout à coup... La violence (et la souffrance qu'elle engendre, génératrice de loosh) apparaît comme un pilier fondamental dans ce monde de prédation. Même la fête bat son plein, comme si la joie devait, elle aussi, passer sous les fourches rythmiques d’un système bien huilé. Et quand ça devient trop évident, on rebat les cartes. Mais le jeu reste le même.

Toutes les cartes sont marquées,
Tous les destins vont se télescoper.

"Where Were You Hiding When the Storm Broke?", The Alarm (1983)

C’est que le langage sait, même si on ne l’écoute plus. On nous rebat les oreilles, on nous fait parcourir les sentiers battus et pendant ce temps, on porte le bât… là où il blesse.

Car il y a toujours quelque chose à supporter. Un poids, une règle, un cycle. Un terrain à gagner, une base à atteindre. Encore. Et encore. 

Et quand on croit avoir marqué un point… la boucle recommence.

© La Pensine Mutine. Tous droits réservés. Reproduction interdite.

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Complétement à l'Ouest

Il joue de l’harmonica… mais il joue aussi de la gâchette. 

Cheyenne, Il était une fois dans l’Ouest

Égarée dans l'archipel des Caraïbes, à la recherche d'un vaisseau fantôme, l'héroïne s'appelle Calamity Eyael. Sauvée de justesse des griffes du Capitaine Barbossa, elle se retrouve propulsée (par la DeLorean du Doc) dans le Kansas natal de son grand oncle Charley1, sur la piste du Con, de l'Abruti et du Tyran. Et déjà, elle entend siffler les balles dans la grand-rue. Planquons-nous derrière le bar, on dirait que quelqu'un va bientôt mordre la poussière ! Fallait s'y attendre avec ce satané six de carreau, porteur d'imprévus et de changement, qui appelle, ce mois-ci, à la prudence dans les rapports sociaux. Mieux vaudrait donc éviter de froisser tous les excités de la gâchette. D'autant que le shérif du patelin m'a tout l'air d'être un sacré couard.

L'Ouest sauvage

Au risque de casser l'ambiance, sachez qu'un cow-boy n'est rien d'autre qu'un vacher ou un bouvier, soit un garçon de ferme s'occupant du bétail bovin dans les grands espaces de l'Ouest américain. Tout de suite, ça fait un peu moins glorieux ! Cette profession, nous explique la Bible en ligne2, dérive de celle de vaquero, en vogue au Nouveau-Mexique aux XVIe et XVIIe siècles, mais s'en distingue en ce sens que ces derniers ne sont pas des ouvriers agricoles. En effet, au XIXe siècle les élevages de l'ouest alimentaient l'ensemble du pays. En l'absence de chemin de fer, le cow-boy avait donc pour mission de conduire les bêtes à travers le sud des Grandes Plaines. Cette transhumance, qui cessa aux alentours de 1890, a donné du cow-boy une image d'homme libre, solitaire et nomade, en certains points éloignée de la réalité.

Ainsi, contrairement au mythe véhiculé par la littérature, les bandes dessinées et le grand écran, les cow-boys n'étaient pas du tout des héros, tireurs d'élite prêts à dégainer pour sauver la veuve et l'orphelin des Peaux-rouges sanguinaires.

Tout d'abord, la plus grande menace pour ces gardiens de vaches ne venait pas des Indiens ni des voleurs de bétail mais du bétail lui-même. La nuit, le moindre hurlement de coyote ou grondement de tonnerre dans les Grandes Plaines pouvait effrayer le troupeau qui, pris de panique, risquait alors de les piétiner. Retrouver ensuite les bêtes enfuies pouvait leur prendre plus d'une semaine. 

Traverser les rivières et les fleuves constituait un autre défi majeur, avec des risques de noyade autant pour le bétail que pour les humains. Parfois, c'était le manque d'eau qui pouvait mettre leurs vies en péril. Ce à quoi venaient s'ajouter les morsures de sconses porteurs de rage et les attaques de loups.

Une fois, je me suis fait descendre par John Wayne.
Ouais, c'était vers la fin.
Cette unique scène m'a payé un millier de verres
Et m'a piégé,
Mais je vais te le dire, l'ami,
À tous les cow-boys, cavaliers pris dans le tourbillon,
Ce soir, les étoiles de l'Ouest brillent à nouveau de mille feux.

"Western Stars", Bruce Springsteen (2019)

Mais finalement, le pire danger n'était pas tant cette nature sauvage et indomptée que les sirènes et démons de la « civilisation ». Ces villes de pionniers qu'on vous montre dans les westerns avaient, en fait, très mauvaise réputation. Un journaliste de passage à Kansas City3, autour des années 1870, rapporte qu'« après la tombée de la nuit, la terre civilisée connaît peu de spectacles de débauche aussi débridés et éhontés qu’un dancing dans les villes de la frontière ».

On parle même de « Sodomes de l'Ouest » dans lesquelles le cow-boy solitaire succombe aux plaisirs éphémères du confort citadin et dilapide, en quelques jours, son salaire durement gagné, dans le jeu, les prostituées — et surtout : l'alcool. 

Toujours la même histoire, en somme. Il n'y a que le décor qui change. On tourne en rond mais les aveugles appellent cela le « progrès ». Et à force de tourner en rond, on finit toujours sur le (six de) carreau…

Règlements de compte à K.O. Parking

Force est de constater que nos villes occidentales ressemblent de plus en plus au Far West d'antan. Mais pas celui de Lucky Luke ni des westerns spaghetti ou du fantasme hollywoodien incarné par les John Wayne, Gary Cooper et autres James Stewart —  plutôt la version low-cost des cités des enfants perdus, souvent issus de l'immigration d'apparence incontrôlée mais parfaitement contrôlable par la matrice qui se nourrit principalement du chaos, et nous ressert toujours les mêmes scripts : rodéos urbains, embuscades à dos de scooter, règlements de compte sur bitume défoncé. 

Le vent souffle en Arizona,
Un état d'Amérique dans lequel Harry zona.
Cow-boy dingue du bang bang, du flingue
De l'arme, du cheval et de quoi faire la bringue,
Poursuivi par Smith & Wesson
Colt, Derringer, Winchester & Remington,
Il erre dans les plaines, fier, solitaire,
Son cheval est son partenaire.

"Nouveau Western", MC Solaar (1994)

On troque les fameuses boots contre des baskets Nike-ta-mère ; les saloons contre des McDo ou des kebabs —  mais le scénario reste inchangé : l'ego à fleur d'arme, le surin facile, l'injustice expéditive du talion aveugle, privé d'électricité à tous les étages et qui s'éclaire aux bougies d'allumage du carburateur des bagnoles qu'il fait cramer quand il est content (ou pas content) plus quelques balles perdues en guise de ponctuation. 

Ce serait presque drôle si c'était une caricature de Charlie Hebdo. Sauf que non. Mais les descendants de l'Adam démiurgique s’habituent à tout. Trop de fragments à rassembler, pas assez de conscience pour y parvenir. À quoi bon d'ailleurs ? La « vie » est bien trop courte pour espérer reconstituer le puzzle à temps. Voilà pourquoi la matrice préfère écourter la durée de simulation et recycler plus souvent, quitte à saturer les âmes. En d'autres termes, mourir jeune réduit les risques de prises de conscience inopinées.

Le cow-boy de minuit moins le quart4

Le cow-boy urbain des temps modernes ne chevauche plus que son ego planétaire. 

Dans de nombreux endroits aux États-Unis et certainement dans d'autres endroits du monde, l'image du cowboy est devenue, pour certains, négative. Le mot « cowboy » implique un individu fort et têtu dont l'individualisme dépend de la capacité à faire tomber l'individualisme des autres.

Viggo Mortensen

Il n'a rien de solitaire : il se déplace en meute de prédateurs prédatés. Il se veut rebelle et fort, mais ce n'est qu'un lâche de la pire espèce —  un collabo à la solde du système, avec plus de boutons de contrôle que le tableau de bord d'un avion de ligne. 

Sauf qu'il lui manque tellement de cases que la partie s'apparente davantage à un vieux PacMan sous amphétamines (ou à une partie de Démineur) qu'aux échecs. 

Je suis un cow-boy,
Je chevauche une monture d'acier.
Je suis recherché mort ou vif.

"Dead or Alive", Bon Jovi (1992)

Recherché mort ou vif ? Qu'importe ! Même pas un aventurier de l'identité perdue. Juste un figurant, qui se figure être la star du film — celui qui tourne en boucle.

Mais voici un scoop : tant qu’on croit que le chaos est dehors, on reste dans le film. Et c’est rarement nous qui écrivons la fin.

Les Mystères de l’Ouest

Qui se souvient de cette fameuse série culte des années 60 mettant en scène James West et Artemus Gordon, deux agents secrets opérant dans l'Ouest américain de 1869 à 1877 ? Remise au goût du jour avec Will Smith dans un remake explosif (et quelque peu chaotique) à la fin des années 90, elle transformait le western poussiéreux en un laboratoire d’expérimentations rétro-futuristes. L’Ouest y devenait un décor prétexte à toutes les folies technologiques et conspirations absurdes — comme si la fiction avait flairé que ce Far West-là n’avait jamais été réel, mais déjà simulé.

Et si c’était là le vrai mystère de l’Ouest ? Un territoire déjà hors-sol, peuplé de mythes, de cow-boys surjoués, de machines improbables et de justiciers au brushing impeccable. Bref, un théâtre mental, parfait pour tester des récits de pouvoir, de contrôle et d’héroïsme codé.

Quarante-sept loques,
Entassées dans une ruelle.
Au nord, à l'est, à l'ouest, au sud,
Tous logés à la même enseigne,
Patientant en coulisses
Jusqu'au grand boum.
Moi, je suis dans une chambre
Et j'attends ma copine.
C'est une vraie garce mais je m'en fous.
J'adore ses yeux et sa crinière rebelle.
Danser sur nos rythmes préférés,
Parés pour les années 90,
Et la vie dans le grand Ouest sauvage.

"Wild Wild West", The Escape Club (1988)

Peut-être que l’Ouest n’a jamais existé autrement que comme décor — un décor que la matrice recycle à volonté. Aujourd’hui encore, elle le décline dans nos villes, nos écrans, nos fantasmes d’indépendance.

Même spirale. Même casting. Nouveau décor. Rien de neuf à l’Ouest du cube démiurgique.

Comme aurait pu dire Jean Yanne, s’il avait survécu à TikTok : « On est tous des cow-boys… sauf qu’on s’est fait chourer la selle et qu’on tire à blanc. »

Notes et références

  1. ^ Ceci est véridique : mon grand-oncle, né à la fin des années 1890, s'appelait réellement Charley et était bien originaire du Kansas. 
  2. ^ Wikipedia.
  3. ^ Philippe Jacquin, Vers l’ouest : un nouveau monde 
  4. ^ Clin d'œil croisé aux films Midnight Cowboy (Macadam Cowboy en français) de John Schlesinger (1969) avec Jon Voight et Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ de Jean Yanne (1982) avec Coluche.

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Mille milliards de tonnerre de Brest

Nous sommes des pirates. Pas les types de héros de Robin des Bois qui saignent le cœur. Nous ne faisons pas de sauvetages.

Capitaine Barbossa, Pirates de Caraïbes

Mille sabords ! Après avoir échappé de justesse au piège à souris et frôlé l'indigestion aux trous de gruyère (enfin d'emmental), me voici, ce mois-ci, embarquée à fond de cale et sans escale, sur  l'Hispaniola – à moins que ce ne soit le Black Pearl. L'un dans l'autre, il y a de la trahison dans l'air avec ce maudit cinq de pique qui vient jouer le grain de sable dans l'engrenage. Ou plutôt, le panneau d'avertissement qui signale un virage épineux sur une route sinueuse – en l'occurrence ici, une côte bordée de dangereux récifs. Ralentir, observer, et surtout, ne pas accorder notre confiance les yeux fermés. N'oublions pas qu'en mai, ce satané Uranus, spécialiste des coups bas et imprévus en tout genre, entame son dernier passage sur l'étoile du démon Algol dans le signe martien du Bélier. Le cinq de pique prévient également des dangers de l’empathie et de l’attachement, nous invitant à l’individualisme.

Hissez pavillon !

Selon la définition du dictionnaire, un pirate était un « aventurier qui courait les mers pour se livrer au brigandage, attaquant les navires de commerce ». De nos jours, c'est une personne « qui se livre à la piraterie maritime, une sorte de voleur des mers qui pille les autres bateaux et les dépouille de leurs biens, quels qu'ils soient ».

Il convient de distinguer les pirates (du latin pirata, dérivé du grec peirates, qui signifie « celui qui tente la fortune, qui est entreprenant »), hors-la-loi des mers – des corsaires (du latin cursus, « course ») qui sont des pirates légalisés, autorisés par « lettre de course » par leur gouvernement à attaquer les navires ennemis en temps de guerre – et également des flibustiers (du néerlandais vrijbuiter, « qui fait du butin librement »), déserteurs, aventuriers ou criminels en fuite cherchant à échapper à la justice dans leur pays d'origine. 

À noter que les flibustiers, qui sévissaient dans la mer des Caraïbes, étaient parfois appelés abusivement boucaniers (du nom de la viande qu'ils faisaient fumer sur une grille spéciale, le « boucan ») et qu'un corsaire autorisé par un État particulier était qualifié de pirate par les États ennemis. Tout corsaire, donc, est un pirate du point de vue d'un État tiers. 

Il faut savoir que la piraterie existait déjà dans l'Antiquité. Toutes les civilisations anciennes dotées d'une flotte maritime l'ont connue, qu'il s'agisse des Phéniciens ou des Mycéniens et même des Romains. Les Vikings également. La mer étant considérée alors comme un espace libre où régnait la « loi du plus fort ». 

La piraterie connaît son âge d'or dans les années 1660, lorsque Français, Anglais et Néerlandais attaquent les navires pleins d'or de la couronne espagnole. À partir de 1690, de nouveaux groupes opèrent dans l'océan Indien. Les pirates sont alors encouragés par les Anglais car ils rapportent de l'argent aux Antilles anglaises et à l'Angleterre. Mais ce n'est plus le cas à partir de 1700, quand le commerce se mondialise. Entre 1716 et 1726 apparaît un mouvement pirate spontané de plusieurs milliers d'individus qui n'a pas le soutien des classes dirigeantes. Britanniques et Français vont alors coopérer pour le réduire et pendront les pirates par centaines.

Je vais vous conter l'histoire d'une reine pirate
Une louve qui régnait sur la mer des Caraïbes
Un pistolet à portée de main et un coutelas bien aiguisé
La scélérate, l'infâme Anne Bonny
Née scandaleusement en Irlande
Fille bâtarde
D'un avocat prospère
Qui fuit les prétendants et la société
Pour l'amour d'un jeune pirate

"Anne Bonny", Karliene (2019)

Et avant que les féministes de bâbord à deux doublons ne viennent hisser leur pavillon pour tenter de nous saborder, rappelons-leur que parmi les pirates les plus célèbres, on trouve trois femmes : Maria Lindsey, Mary Read et Anne Cormac dite Anne Bonny. La technique d'abordage de cette dernière aura d'ailleurs très certainement inspiré les scénaristes de Pirates des Caraïbes. En effet, à l'aide d'amis, elle déguisait un vieux bateau volé en vaisseau-fantôme, aspergeant ses voiles de faux sang et disposant bien en vue sur le pont, des mannequins ensanglantés. Devant le spectacle effroyable d'un tel navire, l’équipage des bateaux de commerce, terrifié, prenait la fuite, abandonnant sans résistance leur précieuse cargaison.

Sabordeurs sabordés

L’image du pirate fascine et attire car elle représente une quête de liberté totale. Pourtant, sous un regard supraconscient, cet archétype révèle une rébellion orchestrée qui canalise l’énergie des âmes en quête d’indépendance, tout en les maintenant dans une boucle de lutte, de pertes et d’échec.

Le pirate semble s’opposer au système mais ne fait que reproduire une autre version de la même servitude : il rejette la hiérarchie, mais reste piégé dans un mode de survie permanent ; il ne remet pas en question les règles du jeu, il tente seulement de s’en sortir par la force ; son trésor est une illusion, détournant l’attention de la véritable quête qui est de sortir du jeu, pas seulement y gagner quelques miettes.

À l'instar d’autres figures de « rebelles sympathiques » (Robin des Bois, hackers, résistants), le pirate incarne un combat vain, séduisant mais énergivore. La matrice adore ces modèles car ils absorbent l’énergie des âmes qui veulent se libérer, tout en assurant que rien ne change vraiment.

D'autre part, l'opposition entre pirates et corsaires illustre la dualité orchestrée, là où le pirate est traqué et le corsaire autorisé alors qu'ils font exactement la même chose. Les États utilisent les corsaires (qui jouent dans les règles) et les trahissent ensuite lorsqu'ils deviennent gênants. Ce schéma se répète partout : utiliser des pions puis les sacrifier. La matrice crée des conflits artificiels où chaque camp croit être du « bon côté », alors que tous sont enfermés dans le même jeu.

Les sombres héros de l'astral

Certes, si les clichés peuvent autant faire sourire qu'agacer, ils ne sont jamais là pour rien vu que cette matrice repose sur un programme contractuel qui fonctionne par accord tacite. Dès que vous acceptez une pensée, une situation, un rôle, un symbole vous signez sans même vous en rendre compte.

Ainsi, au rayon mutilations en tout genre, la jambe de bois du pirate sert à rappeler la souffrance et le prix à payer pour sortir du système et envoie un message subliminal comme quoi la rébellion mène à la perte. À l'instar des guerriers sacrifiés et des héros martyrisés, le pirate ne peut jamais vraiment triompher.

Par ailleurs, la perte de son outil de création (la main) est son remplacement par une arme (le crochet) est une métaphore qui transforme le pirate en force brute, incapable de finesse – un « guerrier condamné ». Il incarne le rebelle qui détruit mais ne construit jamais.

Dans la symbolique occulte, de nombreuses figures borgnes ou mutilées, telles Odin sacrifiant son œil, Satan le borgne, etc., représentent une connaissance partielle, une vision tronquée du réel. Le pirate ne comprend pas le jeu dans sa totalité, il agit par réaction et non par maîtrise.

Nous étions quinze sur le coffre à l'homme mort
Yo - ho - ho ! et une bouteille de rhum !
La boisson et le diable ont emporté les autres,
Yo - ho - ho ! et une bouteille de rhum !

Robert Louis Stevenson, L'Île au trésor

L'omniprésence du rhum n'est pas anodine non plus. L'alcool (dérivé de l'arabe al-kuhl, qui signifie originellement « la chose subtile » ou « l'essence » et fait référence au liquide distillé issu des explorations magiques de l'alchimie moyen-orientale) altère le jugement, éloigne l'homme de son esprit et le maintient dans un état de conscience diminué. On n'appelle pas l'alcool « spiritueux » pour rien, car il astralise et embrouille la perception. Ce fut, à cet égard, un outil de colonisation tristement célèbre pour sa distribution dans les communautés indigènes à travers le monde. En chimie, l'alcool est utilisé comme agent extracteur séparant l'essence d'un objet, comme dans la fabrication des huiles essentielles ou la stérilisation des instruments médicaux. Il fait de même avec le corps en extrayant l'essence de l'individu, laissant place à des influences astrales et ouvrant des failles dans son aura.

Le fidèle perroquet perché sur l'épaule du pirate représente la mémoire conditionnée et la programmation mentale. Il répète sans comprendre comme un humain piégé dans des croyances sans remise en question. Il suit le pirate partout, illustrant la présence inconsciente des schémas automatiques qui dirigent nos décisions. Il donne une illusion de sagesse mais ne fait que recycler des mots sans profondeur. Ce symbole montre que même le rebelle "libre" traîne avec lui une programmation inconsciente qui le ramène sans cesse dans les mêmes boucles.

Le drapeau noir avec la tête de mort (Jolly Roger) n'est pas sans rappeler le symbole des Skull and Bones, une société secrète liée à la gestion du pouvoir et au contrôle des masses. Dans la matrice, la mort est une illusion programmée servant à maintenir les âmes captives et à alimenter le recyclage astral. L’utilisation de ce symbole par les pirates peut être vue comme une revendication de cette connaissance cachée ou comme un moyen d’inspirer la peur et la soumission.

Enfin, la quête du trésor enfoui, accessible uniquement grâce à une carte (souvent en morceaux épars), est une métaphore directe du savoir perdu et morcelé par la matrice. Le trésor matériel est un leurre, détournant de la vraie quête (la souveraineté vibratoire). La carte brisée représente le savoir dispersé que chaque être doit reconstruire. Le pirate cherche à l’extérieur ce qui est en lui, piégé dans une quête sans fin. La matrice a fragmenté la réalité essentielle et imposé des distractions. Le vrai trésor n’est pas de gagner du pouvoir dans le jeu, mais de comprendre comment ne plus être un pion.

Savoir prendre la vague

L’archétype du pirate est une distraction matricielle : une fausse liberté qui canalise les énergies rebelles dans un schéma de lutte et de souffrance. La matrice adore les rebelles, tant qu'ils restent des pions. 

Le problème n'est pas le problème. Le problème, c'est votre attitude face au problème.

Capitaine Jack Sparrow, Pirates de Caraïbes

Le véritable joueur n’attaque pas le système de front car il sait que c’est une illusion. Il ne fuit pas non plus, car il sait que le terrain de jeu ne peut être changé. Il comprend les lois de la matrice et les utilise, sans être esclave du système. Il ne s’enferme pas dans une lutte stérile, il trouve des chemins stratégiques. Il ne cherche pas une liberté illusoire, mais une véritable souveraineté vibratoire. Le vrai trésor n’est ni l’or, ni le pouvoir, ni la rébellion violente. Le vrai trésor, c’est la compréhension et la maîtrise du jeu.

Et si la vraie liberté n'était pas de briser ses chaînes mais plutôt de comprendre pourquoi elles existent ?

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Des souris et du fromage

Le tic-tac des horloges, on dirait des souris qui grignotent le temps.

Alphonse Allais

Nous sommes juste après le douzième coup de minuit, quand le carrosse redevient citrouille et que les chevaux se transforment en souris, en profitant au passage pour faire des trous dans le gruyère avant de changer de conte et de crèmerie. Pas de quoi en faire un fromage. Ni même une omelette aux champignons magiques (tous les œufs ayant été réquisitionnés pour Pâques). Ce mois-ci, contrairement à son homologue, le trèfle à quatre feuilles, le quatre de trèfle n'est pas un gage de chance. Il nous met plutôt en garde contre les imprévus et nous prévient que toute forme d'excès peut d'avérer néfaste à notre développement personnel. D'ailleurs, dans le célèbre oracle Lenormand, les souris (qui rongent au propre comme au figuré) sont également de mauvaise augure, annonciatrices de soucis, de pertes, ou de vol. 

Souris, c'est pour la photo !

Que dire de ce charmant petit rongeur si ce n'est, qu'à son sujet, les légendes foisonnent et les mythes perdurent autant qu'ils ont la dent dure. 

Ainsi d'aucuns prétendent que Satan aurait créé la souris au moment de l'arche de Noé, tandis que d'autres affirment qu'elle serait un fléau tombé du ciel pendant une tempête. Dans la Torah, elle apparaît parmi les animaux impurs (Lévitique 11:29). Et dans l'Ancien Testament, elle est considérée comme le Mal, un signe de destruction et un mauvais présage.

Paradoxalement, en Europe, même à l'époque médiévale, la souris était pourtant également synonyme de contact avec le divin, où l'on croyait qu'elle transportait les âmes des défunts vers l'au-delà, se faisant la passerelle entre ciel et terre.

En Inde, la légende raconte que Ganesh, le dieu à tête d'éléphant, chevauchait une souris, sa monture symbolisant la connaissance et la ruse à surmonter les obstacles afin de pénétrer dans n'importe quel environnement.

Ailleurs, il est dit encore que la souris représenterait un certain contrôle sur l'ego.

Aussi populaire que le Père Noël chez les enfants francophones, qui n'a jamais entendu parler de la fameuse Petite Souris qui vient collecter les dents de lait sous l'oreiller en échange d'une pièce de monnaie ? Même si, dans le reste du monde, on l'appelle la Fée des dents. Le mythe tirerait son origine d'un conte du XVIIIe siècle, écrit par la baronne d'Aulnoy, dans lequel une fée se change en souris pour aider une reine à se défendre contre un méchant roi en se cachant sous son oreiller et lui faisant tomber toutes ses dents (source de pouvoir). Mais elle s'inspire également d'une croyance plus ancienne selon laquelle une dent mangée par un animal en prendrait les caractéristiques. Ainsi les parents donnaient parfois les dents de lait de leurs enfants à une souris afin que les nouvelles soient aussi dures et aiguisées que celles du petit rongeur.

Quid de l'idée reçue et totalement fausse selon laquelle le fromage serait sa nourriture favorite ? Les souris mangeant ce qui est à leur portée, il est fort probable que ce mythe remonte aux temps où, contrairement aux autres aliments qui étaient soit suspendus ou soigneusement enfermés dans des sacs hermétiques, le fromage était plus accessible car laissé à l'air libre pour s'affiner.

Entre la poire et le gruyère

Une fois que l'on a mangé le gruyère, que deviennent les trous ?

Jean-Loup Chiflet

Connaissez-vous le paradoxe du gruyère ou « paradoxe du fromage à trous » (bien plus juste car ce qu'on appelle communément gruyère en France est, en fait, de l'emmental, le gruyère originaire de Suisse n'ayant pas de trous) ? Il repose sur le syllogisme1 suivant : « Plus il y a de fromage, plus il y a de trous ; or plus il y a de trous, moins il y a de fromage ; donc plus il y a de fromage, moins il y a de fromage. » Une forme sournoise de polysémie qui amalgame deux notions antagonistes dans une même phrase pour aboutir à un non-sens.

« Un peuple qui a créé plus de 400 fromages ne saurait disparaître » disait Churchill à propos de la France. Comment se fait-il que le français soit si pauvre en idiomatismes fromagers alors que l'anglais en dispose d'un si vaste florilège ? 

Littéralement, pour les anglophones, le fromage c'est facile2, par contre, quand il est dur3, on ne peut rien y faire ; tout ce qui a la consistance du fromage4 est de mauvais goût mais quand c'est fromage5, c'est génial ; si lorsqu'on lâche un prout, on coupe le fromage6, pour sourire, il faut dire « fromage ! »7. Tout ce qui coûte bonbon en France, coûte cheddar8 au Royaume-Uni, où les gros bonnets deviennent de gros fromages9, les mous du bulbe des fromages mous10, et nos excuses pleines de trous se remplissent de frometon11. Il vaut mieux éviter les mangeurs de fromage12 qui trahissent leurs amis et il n'est pas bon d'écarter quelqu'un à coups de fromage13 car pour le coup, il risque d'en faire tout un fromage en France. On ne prend pas non plus la poudre d'escampette mais le fromage14.

Il n'y a pas à dire, nous et les Anglais, on est vraiment comme craie et fromage15. Mais quand on sait que l'origine du mot fromage, en français, vient du latin formaticus [caseus] qui signifie « [fromage] moulé dans une forme », on comprend pourquoi toutes les boules de fromage16 sont des crétins.

La souricière matricielle

Mais petite Souris, tu n'es pas seule,
À prouver que prévoyance peut être vaine :
Les plans les mieux élaborés des souris et des hommes
Tournent souvent mal,
Et ne nous laissent que chagrin et douleur,
En lieu et place de la joie promise !

"To a Mouse", Robert Burns (1785)

À l'image de la souris, l'humain sert de cobaye aux manipulations archontiques et doit sans cesse lutter pour des miettes, qu'il s'agisse de nourriture, de confort, de sécurité, de savoir, d'amour ou de reconnaissance sociale. Comme elle, il est traqué en permanence par toutes sortes de prédateurs visibles (majoritairement humains) et invisibles (les entités astrales), s'évertuant à actionner, jusqu'à épuisement, la roue de sa cage intangible qui lui donne l'impression d'avancer sans jamais se rendre compte qu'il tourne en rond.

L’homme, dans la matrice, fonctionne exactement comme une souris de laboratoire dressée pour réagir à des stimuli. Conditionné par la récompense (argent, statut, approbation sociale) et la punition (chômage, exclusion, oppression) selon s'il obéit au système ou tente de s'en libérer, il reste prisonnier d'un cycle sans fin en quête d'une carotte illusoire (succès, amour, abondance matérielle).

Les deux ont l'illusion du libre arbitre. Ils peuvent se déplacer librement mais leurs choix sont, pour l'un, limités à l'environnement qui lui a été imposé et pour l'autre, prédéterminés par les règles de la matrice. La roue est une métaphore parfaite du samsara matriciel, la réincarnation forcée qui garde l'homme prisonnier de cette réalité dans laquelle il accumule les expériences sans jamais en sortir, car il est coupé de son Esprit qui, autrement, lui permettrait de transcender ce cycle.

Le fromage, quant à lui, pourrait représenter l'intellect formaté et façonné par les archontes pour qui, le cerveau humain est comme une masse molle et malléable, que les anglophones assimilent, d'ailleurs, à du fromage (your brain is like cheese) ou à une pensée ayant la consistance du fromage (cheesy thinking) pour désigner un esprit influençable ou peu affûté. Le fromage est fermenté, transformé et enfermé dans un moule exactement comme le mental humain l'est par l'éducation, les médias et les dogmes. 

Peu importe qu'il s'agisse ou non de son aliment préféré, la souris est attirée par le fromage qu'on lui met sous le nez et dès l'instant où elle l'atteint, le piège se referme sur elle. Pour l'homme, ce sont les illusions (plaisirs, faux éveils, religion, pouvoir). Dans la matrice, tout ce qui semble être une porte de sortie est souvent un leurre. Les archontes jouent sur le désir humain d’élévation pour le garder captif d’un autre système de croyance.

J'espérais que nous ferions de réels progrès
Mais il semble que nous ayons perdu cette faculté.
Le moindre petit pas en avant
Est comme une goutte d'eau dans l'océan.
Nous faisons du sur place
Comme nous l'avons toujours fait et le ferons toujours.

"Running on the Spot", The Jam (1982)

En 1968, l'ethnologue américain John Calhoun a mené une célèbre expérience baptisée « Mouse Utopia » (l'utopie des souris) qui ferait une excellente métaphore de notre monde actuel. Des souris furent placées dans un environnement parfait (nourriture à volonté, aucun prédateur). Au début, elles se mirent à prospérer, mais au bout de plusieurs générations, elles devinrent agressives, apathiques et finirent par disparaître. La cause ? Une dégénérescence comportementale due à une absence de défi évolutif.

Dans la matrice, on observe un phénomène similaire avec une société de plus en plus aseptisée et contrôlée qui voit une stagnation de la conscience avec des individus abrutis de divertissements et de surconsommation. Il en résulte une perte de vitalité et d'instinct de survie (baisse du taux de natalité, augmentation des maladies mentales).

De trous de gruyère en trous de souris

Tous les trous d'un coup
Prennent vie, se libèrent
Hors de vue et oubliés,
Les solitaires et leurs proies

"Tinker Tailor Soldier Sailor", Radiohead (2016)

Dans l'Ancien Testament du Démiurge, la souris est considérée comme impure et associée à la peste et aux fléaux parce qu'elle symbolise ce qui ronge et érode les fondations de son monde. Elle échappe à son contrôle et vit dans l'ombre, hors des structures officielles, comme les hérétiques et les rebelles qui questionnent le système. Car l'éveil à l'Esprit est perçu comme un acte de rébellion contre le programme matriciel. 

La clé pour s'en libérer passe d'abord par la prise de conscience du piège qui consiste à identifier les conditionnements et illusions de la simulation archontique. Il s'agit également de se détourner des « morceaux de fromage » stratégiquement placés sur notre chemin, les faux éveils ou « bacs à sable » (spiritualité astrale, religions, matérialisme) qui nous en détournent, pour enfin briser la roue et ne plus être esclaves des cycles émotionnels et réincarnations forcées. Le but ultime étant de se libérer de l'astral et de fusionner avec sa conscience originelle.

Avis à toutes les souris écolos qui ne courent qu'au labo : ces messieurs tout là-haut, s'ils vous attrapent par la queue, feront de vous des escargots tout chauds.

Notes et références

  1. ^ Le syllogisme est un outil logique essentiel, façonnant les fondements de la pensée critique et du raisonnement déductif depuis Aristote. Cette structure argumentative repose sur deux prémisses menant à une conclusion inévitable, si les prémisses sont vraies. Souvent utilisé pour tester la validité des arguments, il s’articule autour d’une forme majeure, une forme mineure, et une conclusion. Examiner des exemples concrets de syllogismes aide à saisir leur puissance et leur potentiel piège, car une forme logique valide ne garantit pas la vérité des prémisses, et donc de la conclusion. La maîtrise du syllogisme est fondamentale pour affiner la pensée logique et argumentative. (Source)
  2. ^ As easy as cheese = c'est du gâteau.
  3. ^ Tough cheese = c'est pas de bol.
  4. ^ Cheesy.
  5. ^ That's cheese! = c'est génial !
  6. ^ To cut the cheese = péter.
  7. ^ Say "cheese"!
  8. ^ To cost cheddar.
  9. ^ The big cheese.
  10. ^ Cheeseheads.
  11. ^ Excuses full of cheese.
  12. ^ Cheese eaters.
  13. ^ To cheese somebody off = mettre quelqu'un en rogne.
  14. ^ Cheese it! = décampe !
  15. ^ To be like chalk and cheese = être très différents.
  16. ^ Cheeseballs.

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Bienvenue au cirque !

Le cirque, c'est un reflet de la société avec ses trois personnages principaux : le clown blanc, Auguste et Monsieur Loyal, soit le président, le peuple et la police.

Alexis Grüss

Boule de cristal, boules de gomme, bille de clown… ces défis mensuels vont finir pas me la faire perdre, la boule ! Nouvelle escale dans l'univers des forains donc, avec un 3 de carreau qui nous met en garde contre les distractions qui nous éloignent de nos objectifs. Ces petits riens qui détournent l'attention et finissent par rendre notre existence chaotique. Il est même à noter que certaines écoles anciennes de cartomancie retiraient cette carte maudite du jeu afin d'éviter d'introduire « un élément de tromperie dans les tirages ». D'aucuns lui donnent néanmoins une tout autre signification : celle du silence. « Dans un monde saturé de bruit en permanence dont nous voulons toujours extraire le maximum de sens et d'expérience, il est parfois utile de se mettre en retrait et de ne rien dire. »

C'est quoi ce cirque ?

Du latin circus, dérivé du grec kirkos signifiant « cercle », le cirque tiendrait ses origines des jeux organisés en Grèce par Circé en l'honneur de son père Hélios, le dieu Soleil, avant d'être popularisés par les Romains. Au Moyen-Âge, les arènes étant tombées en désuétude, les artistes itinérants, les dresseurs d'animaux et les forains se déplacèrent de villes en villes, à travers toute l'Europe, pour évoluer vers le cirque que nous connaissons aujourd'hui.

Mais de quel cirque parlons-nous au juste? Celui des acrobates, funambules, jongleurs, écuyers, dompteurs de fauves, clowns et autres prestidigitateurs ? Ou bien du show médiatico-politique qui tourne en boucle sur toutes les chaînes et qui nous les brise sans jamais les rompre ? Bah, c'est kif-kif bourricot. 

Des slogans, des peintures de guerre
Mais quel grand carnaval
Un monde parfait
Regarde ce monde
C'est un grand carnaval

"Un Grand Carnaval", Indochine (1987)

Quid des numéros de haute voltige des magiciens de la finance qui jonglent avec les chiffres, des écuyers peu cavaliers, des dompteurs de foule ou cracheurs de feu mouillés comme jamais, tous au service de la femme à barbe et de son Monsieur Déloyal, en déséquilibre sur la corde raide, la queue-de-pie entre les jambes et le gibus au plus bas de sa forme ? Quid des clowns de plateau, la gueule enfarinée et le pif en DEFCON 2 après le rail de trop qui fait exploser la mule ? La faute à qui si tout part en sucette ?

Pas mon cirque, pas mes singes

Quel est donc ce cirque matriciel ? Un chaos organisé qui fournit une distraction permanente, empêchant l'homme de se recentrer sur son esprit ? Une illusion orchestrée dans le but de maintenir les consciences endormies dans une fausse réalité ? Ou bien un théâtre de manipulation dont les acteurs (politiques, médias, spiritualités, etc.) jouent un rôle destiné à canaliser l'énergie des individus vers des schémas préétablis ?

Personnellement, depuis ma plus tendre enfance, j'ai toujours détesté le cirque sans trop savoir pourquoi. Raison qui m'apparaît évidente aujourd'hui.

Le cirque est un spectacle répétitif, un cycle sans fin, où les mêmes actes se reproduisent sous des formes variées, mais avec une structure identique. Cela rejoint la nature cyclique de la matrice, où l’illusion du changement est entretenue, alors qu’en réalité, les âmes sont enfermées dans un programme récurrent avec une histoire qui se répète sans cesse.

Le chapiteau est un espace fermé, décoré pour donner l'illusion de grandeur mais, en réalité, limité. Une bulle coupée du réel, comme la Matrice qui empêche de voir les circuits universels. Un monde artificiel qui distrait et évite de chercher au-delà. Un décor éphémère qui semble réel tant qu'on s'y trouve mais qui disparaît lorsqu'on en sort (à l'image de la reconnexion à l'esprit qui fait effondrer les illusions).

Sous les yeux des masses endormies, âmes passives acceptant ce qui leur est présenté sans chercher à en comprendre la nature véritable et applaudissant ou huant au bon gré du maître de piste, jongleurs, acrobates et funambules tentent de conserver leur équilibre sur le fil extrêmement ténu entre influx électriques de l'Esprit et magnitudes astrales, risquant à tout moment de basculer dans les filets de récupération de la matrice. Ceux-là ne se laissent plus déconcentrer par les huées ou les applaudissements, les roulements de tambour et les projecteurs. Ils savent virevolter d'une piste de réalité à l'autre, tels des virtuoses du DJing.

Les dompteurs archontiques contrôlent les âmes incarnées par des méthodes coercitives (peur, récompense/punition, dressage répétitif) et ces dernières obéissent sans comprendre le véritable but de leur conditionnement. Après leur numéro (incarnation), elles retournent dans leur cage astrale (mort) jusqu'à la prochaine représentation en une boucle sans fin.

Engoncé dans son costume aux couleurs maçonniques et son haut-de-forme de chapelier fou (ou de prestidigitateur), c'est toujours le maître de piste, le directeur du cirque, Monsieur Loyal qui organise le spectacle, fixe les règles en coulisses et impose les rôles. Le démiurge correspond parfaitement à cette figure manipulatrice qui gère la Matrice mais ne se manifeste que sous des formes indirectes (religions, figures messianiques, lois karmiques). En anglais, on l'appelle aussi Ringmaster, à rapprocher sémantiquement du Seigneur des Anneaux.

Envoyez les clowns

Et les clowns ? À l'instar des avatars humains pilotés par les entités de l'astral, ils sont là pour divertir mais derrière le rire se cache souvent une profonde tristesse. Ridiculisés, ils portent des masques (sociaux) et exécutent des rôles absurdes sans comprendre le pourquoi de leur condition.

Mon maquillage a séché et s'accroche à mon menton
Je noie mon chagrin dans le whisky et le gin
Le fouet du dompteur de fauves a cessé de claquer
Les lions ne veulent plus se battre et les tigres refusent de rugir
Allons boire à la mort d'un clown
Y a-t-il donc personne pour m'aider à briser cette couronne ?

"Death of a Clown", The Kinks (1967)

Les premiers clowns documentés remonteraient à l'Egypte ancienne et également à la Grèce et à la Rome antiques avant leur évolution en bouffons de l'époque médiévale. Personnage burlesque à l'origine, l'archétype du clown a peu à peu vu son image détournée : tout d'abord en clown triste (très proche du nostalgique Pierrot lunaire) puis en clown maléfique, engendrant la coultrophobie.

Bien que de nombreuses théories tendent à vouloir démontrer que cette peur des clowns serait directement liée au maquillage de leur visage, d'aucuns soulignent les similitudes existantes entre l'apparition de clowns et les représentations culturelles des démons. En outre, Steven Schlozman, psychiatre de la prestigieuse école de médecine de Harvard, explique comment le bouffon médiéval pourrait alimenter cette vision moderne du clown effrayant : « Les clowns au Moyen Âge, s'ils ne faisaient pas rire le roi, en payaient un prix assez élevé. Beaucoup de bouffons ont été mutilés pour les faire sourire en permanence. » (source)

Dans la matrice démiurgique qui fonctionne toujours par inversion et faux-semblants, le clown incarne cette dualité apparente : il est censé faire rire et divertir mais cache une nature à la fois sombre et inquiétante. 

Les clowns maléfiques les plus connus sont certainement Grippe-Sou de Stephen King (Ça) ; Ronald McDonald, mascotte des restaurants McDonald's ; et le méchant Joker de Batman. Ces trois figures incarnent différents aspects de la corruption matricielle.

Ainsi, à l'instar des archontes, Grippe-Sou, une entité métamorphe qui vit tapi dans les profondeurs et se nourrit de la peur des enfants, est l'archétype même du prédateur astral. Il se cache derrière une apparence inoffensive et ludique, piégeant ses victimes dans des illusions avant de les consommer.

À l'inverse, Ronald McDonald n'effraie pas directement mais conditionne à s'autodétruire en associant une nourriture toxique au plaisir et au jeu, créant un lien affectif dès l'enfance qui rendra ainsi l'addiction alimentaire d'autant plus forte à l'âge adulte. Il est lié aux clowns de foire qui symbolisent l'exploitation de l'innocence vers l'esclavage vibratoire (la malbouffe abaissant drastiquement les fréquences). Tout comme le démiurge, c'est une figure de faux bienfaiteur prétendant offrir du bonheur mais qui, en réalité, empoisonne.

Enfin, le plus complexe du trio, le Joker, s'en distingue en ce qu'il incarne l'agent du chaos matriciel. Il refuse l'ordre social et cherche à détruire la matrice ; il est incontrôlable et agit sans logique apparente. Il semble « éveillé » mais est encore piégé par la matrice. Il pense lui échapper en luttant contre le système mais reste un élément du spectacle. Il ne cherche pas la souveraineté mentale mais la destruction pure — une énergie recyclée par la matrice pour se maintenir en place, le chaos matriciel étant encore une illusion contrôlée qui empêche les individus de réellement s'éveiller.

Les autres caractéristiques importantes du Joker sont ses cicatrices, non sans rappeler les mutilations qu'on faisait subir aux bouffons du Moyen-Âge mais également aux enfants dans les rituels pédosataniques. Parmi les différentes raisons, l'intention de briser l'identité originelle ; l'inversion du sacré, le visage étant en connexion avec l'âme (la défiguration vise à effacer toute trace du divin) ; et l'exploitation de la souffrance et du trauma pour générer de l'énergie astrale et nourrir les entités.

En outre, il faut savoir que dans diverses traditions occultes, le masque (comme celui du clown) est considéré comme un outil de possession qui permettrait aux entités d'utiliser le corps comme réceptacle.

En résumé, le clown maléfique (ou démoniaque) est une figure matricielle puissante qui symbolise à la foi la dualité mensongère du système (joie/souffrance, illusion/réalité) ; la consommation énergétique de la peur (Grippe-Sou) ou de la chair (Ronald McDonald) ; le chaos programmé (comme le Joker qui détruit mais ne libère pas) ; et la corruption de l'enfance (rituels sataniques, manipulation psychique).

Ha ! ha ! fit le clown
Le roi aurait-il perdu sa couronne ?

"Ha! Ha! Said the Clown", Manfred Mann (1967)

Quand allons-nous rompre le cercle de feu et cesser de regarder, sans maudire, les fous rire à gorge dévoyée, d'un jaune hyène hystérique, des sombres facéties des bateleurs des hauts quartiers qui, eux, n'en font point ? Brisons la couronne du faux roi et reprenons possession de nos royaumes intérieurs. Ici et maintenant.

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La vie en rose éléphant

Sors-moi de cet endroit
Sors-moi de cette ville
Avant que je ne me noie
Dans les profondeurs
De ton eau de rose

"Pink Water", Indochine (2005)

À peine acquittée de ma première tâche que je dois déjà faire mes adieux à la foire du Trône pour rejoindre le pays de Candy et troquer ma boule à gogos contre des boules de gomme (rose éléphant). En cartomancie, le 2 de cœur attribué à ce mois de février est, bien entendu, associé à l'amour (astral) mais également aux apparences trompeuses.

Le rose glucose

Immanquablement, quand on évoque le rose, on pense d'abord à l'amour romantique idéalisé des fictions à l'eau de rose et aux visions édulcorées d'un positivisme exacerbé qui préfère regarder le monde au travers de « lunettes roses », comme disent les anglophones, plutôt que de l'affronter tel qu'il est réellement.

D'ailleurs, la couleur rose en anglais, qui se dit « pink », n'est pas issue de la fleur éponyme comme en français, mais du Dianthus, une plante de jardin de différentes couleurs dont certains pétales, « perforés » de points, évoqueraient de « petits yeux » (traduction du néerlandais pinck oogen) comme lorsqu'on les ferme à demi pour ne pas être ébloui. 

Malheureusement, tout n'est pas rose dans cette matrice. Parfois (souvent), ça pue tellement qu'on dit même que ça ne sent pas la rose. Et quand le lit de roses se fane, ne restent que les épines et les maux roses peuvent rapidement virer au morose voire à la névrose.

On dit alors que les choses « tournent au vinaigre » et on devient « aigri ». Il faut donc s'adoucir. Avec du sucre. Retourner à l'état d'hypnose (le sucre est hautement addictif) sur un petit nuage rose bonbon en barbe à papa (couleur du rêve en psychanalyse), avec les licornes, les anges, les fées et les éléphants roses.

Du moins dans notre culture occidentale car, en Inde, la mythologie hindoue associe le rose à Ganesh, le dieu à tête d'éléphant, symbole de sagesse et d'union entre le divin et l'humain.

Le rose succube

Dans cette matrice, il faut comprendre que l'optimisme excessif et l'idéalisation émotionnelle sont des outils de contrôle servant à manipuler les perceptions humaines et à maintenir l'âme dans un état de dissociation par rapport à la réalité brute de sa condition.

La vie est une rose dont chaque pétale est une illusion et chaque épine une réalité. 

Alfred de Musset

La « vie en rose » est donc un piège émotionnel qui pousse à rester dans une bulle de confort illusoire, empêchant les proies de percevoir la véritable nature de leur prison matricielle. Ainsi les bisounours roses refusent de voir la corruption, la manipulation et les dysfonctionnements du monde sous prétexte de vouloir « profiter de la vie ». Et ce faisant, se retrouvent en état de dépendance affective et de soumission émotionnelle dont se nourrissent les forces archontiques qui régissent cette matrice.

Car contrairement à une idée faussement répandue, le loosh — un terme popularisé par Robert Monroe, pionnier de la recherche sur les expériences hors du corps, qui fait référence à une énergie subtile générée par les humains à travers leurs émotions et leurs réactions face aux événements de la vie — n'est pas limité aux émotions négatives. Toutes les émotions polarisées (positives ou négatives) peuvent être exploitées, pourvu qu'elles soient intenses et génèrent une réaction forte. Bien que les Archontes soient souvent associés aux émotions négatives, ce sont avant tout des parasites énergétiques opportunistes. Leur objectif est de maintenir l'être humain piégé dans la matrice émotionnelle où il génère sans cesse des émotions polarisées, qu'elles soient de joie intense ou de douleur profonde.

Ainsi l'extase amoureuse, la béatitude naïve, l'euphorie artificielle, l'adoration aveugle sont également des sources d'énergie exploitable. Ce type de loosh est même particulièrement prisé, car les humains sont plus productifs lorsqu'ils sont motivés par des émotions positives, et nourrissent ainsi la matrice sans remettre en question leur conditionnement.

Le piège est dans la polarisation. Les Archontes se nourrissent de toute émotion polarisée, qu'elle soit positive ou négative. Le véritable antidote est donc de parvenir à un état de neutralité émotionnelle consciente.

Les Archontes ne peuvent pas se nourrir de l'amour souverain ou de la joie intérieure calme, car ces états d'équilibre énergétique ne génèrent pas de loosh exploitable.

Plutôt que de voir la vie en glucide, il est préférable de voir la vie en lucide, en adoptant un regard neutre et équilibré, sans tomber dans les illusions de la matrice.

La rose des gens

Mais la couleur rose est également chargée d'un symbolisme spécifique qui a été largement détourné pour en limiter la portée et la réduire à un symbole de superficialité et de fragilité docile. En effet, selon certaines traditions ésotériques, l'âme serait entourée d'un champ énergétique rose qui agirait comme une protection vibratoire contre les intrusions archontiques.

Tout le monde sait
Que ce que sème mon amour
Détruit les roses

"Kills the Roses", Something Happens (1990)

En outre, sur le plan alchimique, la fleur éponyme dont elle tire son nom, représente non pas une vision naïve de la réalité mais le processus de dévoilement des vérités cachées.

Si j'ose dire même, la rose est un symbole central et universel qui traverse de nombreuses cultures et courants spirituels (alchimie, mysticisme chrétien, gnosticisme, etc.). Son symbolisme est complexe et rattaché à plusieurs notions profondes telles que la représentation de l'âme ; de la souveraineté (où l'âme doit déjouer les illusions imposées par l'Adonaï, l'intelligence artificielle de la matrice, et les archontes pour recouvrer sa liberté originelle) ; et comme gardienne du secret du noyau d'information pur et non altéré de l'âme, là où la matrice archontique pousse justement les humains à chercher des réponses à l'extérieur plutôt qu'à l'intérieur.

En résumé, la rose pourrait représenter l'accès aux données neutres de l'âme, situées hors matrice et hors d'atteinte des forces archontiques. Le fameux pot aux roses dans lequel on a planqué le passe-partout qui ouvre toutes les serrures même les plus inviolables.

Alors, c'est quand qu'on arrête de se conter fleurette, qu'on envoie toute cette bande d'illuminés aveugles sur les roses, et qu'on s'évade enfin de cette geôle ?

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